Voici quelques mots de François Hollande sur la fiscalité, il y a 4 ans à Périgueux :
« A force d’être mitée et minée, notre fiscalité est devenue opaque. Et le Parlement ajoute des “usines à gaz aux usines à gaz”, de la taxe carbone jusqu’à la taxe professionnelle (…), le système est non seulement illisible, il est instable. Les exonérations de cotisations sociales supposées encourager l’emploi ont changé douze fois en quinze ans de mode de calcul. Comment les entreprises peuvent-elles elles-mêmes faire leurs arbitrages ? »
Le candidat à la candidature socialiste pour la présidentielle se présente comme le héraut d’une « révolution fiscale » inspirée de l’économiste Thomas Piketty, qui milite pour une remise à plat complète de la fiscalité. Il le détaille dans son ouvrage, « le rêve français » :
« J’ai considéré qu’elle [la réforme fiscale] devait être la première des réformes, avant toutes les autres. Il ne sera pas possible de demander quelques efforts que ce soit à nos concitoyens s’ils ,ne savent pas que ces efforts sont justement répartis […] La réforme fiscale sera la première : grande réforme de l’impôt sur le revenu, fusion de l’IR et de la CSG, pris en compte de tous les revenus… »
Quatre ans plus tard, la révolution a fait long feu, et le gouvernement réfléchit à des manières d’exempter d’impôts les plus modestes, donc de « miter et miner » un peu plus la fiscalité. Entre les deux, l’usure du pouvoir a fait son oeuvre.
1. La « révolution fiscale » abandonnée
«La réforme fiscale est un préalable. Elle donne la transparence, la clarté, la progressivité indispensable pour convaincre nos concitoyens de consentir à une contribution. La réforme fiscale a une double vocation : redistribuer justement et financer efficacement », promettait le candidat Hollande.
Mais rapidement, il remise cette idée aux calendes grecques. Dès la fin de campagne, son équipe renvoie à la fin du mandat l’idée d’une vraie réforme fiscale d’ampleur avec, notamment, fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG.
L’idée sera évoquée à nouveau par Jean-Marc Ayrault, à la fin 2013. Un rapport sera remis par Dominique Lefebvre, député PS, proposant un certain nombre de pistes, modestes par rapport aux propositions du candidat Hollande : réforme de quelques abattements, refonte de certains seuils… Entre-temps, le premier ministre a changé. Place à Manuel Valls, qui salue le travail engagé, mais ne donne pas réellement suite.
2. Ecotaxe poids lourds, 75 %… des taxes vidées de leur sens
Durant la campagne, M. Hollande avait aussi lancé des propositions audacieuses, dont la fameuse taxation à 75 % des revenus situés au-delà du million d’euros. Une idée un peu improvisée, mais qui avait plu à une partie de l’opinion.
Mais la proposition suscite une levée de boucliers dès l’été 2012, avant d’être censurée par le Conseil constitutionnel.
Le gouvernement conçoit un nouveau dispositif, qui frappe directement les entreprises qui ont des cadres payés plus d’un million d’euros en salaire. Son assiette se réduit, et elle ne concernera, selon les prévisions gouvernementales, que moins de 50 entreprises, pour 260 millions d’euros en 2014, 160 millions en 2015.
L’écotaxe poids lourds, qui doit frapper les camions qui empruntent certaines routes, subit également la vindicte de certaines catégories. A l’automne 2013, les « bonnets rouges » détruisent les portiques qui doivent signaler les passages de camions.
Là encore, après de nombreux atermoiements, le gouvernement finit par renoncer, et la remplacer par des « péages de transit ».
3. Des impôts qui ne passent pas
Il faut dire que les hausses d’impôt mises en place par la gauche à son arrivée au pouvoir passent mal, très mal. Le gouvernement Fillon avait déjà, au travers des deux plans de rigueur successifs, alourdi la fiscalité. Le PS en remet une couche.
Entre 2009 et 2012, la charge fiscale globale est passée, selon les chiffres d’Eurostat, de 42,1 % à 45 % du PIB. Et le gouvernement Ayrault annonce de nouvelles hausses, de 10 milliards supplémentaires, dès la rentrée 2012. Un effort que M. Hollande veut « juste », mais qui passe mal.
L’arrivée des premières feuilles d’impôt, à la rentrée 2013, est une douche froide pour beaucoup. Jean-Marc Ayrault a beau clamer que « 90 % de l’effort fiscal est demandé aux 10 % de ménages les plus aisés », il ne trompe personne : le gel du barème, l’abaissement du plafond du quotient familial, les taxes nouvelles sur certains produits et autres mesures touchent une proportion bien plus large de contribuables.
La classe moyenne supérieure en fait les frais, et le supporte de plus en plus mal. Les mouvements hostiles aux taxes nouvelles se multiplient : « tondus », « moutons », « bonnets rouges », « verts ou noirs »…
Une fiscalité qui s’alourdit de plus en plus.
De 2009 à 2011, les principaux éléments de la fiscalité, ici en milliards d’euros, sont en hausse, qu’il s’agisse de la TVA, des impôts sur le revenu, des cotisations sociales…
4. Promesses rompues et hausses en série
Dès la fin 2012, le gouvernement a pris la mesure de la grogne qui monte. Jérôme Cahuzac, alors ministre du budget, assure à plusieurs reprises qu’il « n’y aura pas d’effort fiscal supplémentaire ensuite [après 2013], car le président de la République s’est engagé à la stabilité. »
Mais il ne peut tenir cette promesse, d’autant moins qu’il choisit d’aider les entreprises en diminuant leurs cotisations au travers du crédit d’impôt compétitivité emploi et du « pacte de responsabilité ».
Alors que la France s’est engagée à réduire ses déficits, ces baisses, d’un montant de 30 milliards d’euros, doivent être compensées. Et à défaut de tailler dans les dépenses, le gouvernement ne peut que tenter d’augmenter les recettes.
Le déficit diminue, pas les dépenses publiques
La diminution du dé
En 2013, de nouvelles hausses et efforts sont annoncés. Et dès l’été, le gouvernement admet qu’il y aura bien une nouvelle hausse des prélèvements obligatoires l’année suivante. François Hollande évoque à l’automne 2013 une « pause fiscale », mais les impôts augmentent encore dans le budjet 2014. La diminution des prélévements obligatoires est renvoyée à 2016.
Finalement, fin mars 2014, François Hollande doit reconnaître que la « diminution des impôts des Français » attendra 2017.
5. Mesures catégorielles et aménagements
En attendant, le gouvernement Manuel Valls, qui prend la tête du gouvernement après la défaite historique des municipales, doit composer avec ce « raz le bol fiscal ». Il se lance donc dans une opération vérité :
« Entre 2010 et 2012, la droite a augmenté les impôts de 30 milliards. Et entre 2012 et 2014, la gauche les a augmentés aussi de 30 milliards. Cela suffit, c’est trop. Trop d’impôt, selon la vieille formule, tue l’impôt et tue surtout la compétitivité de notre pays. »
Une première mesure doit donc « faire sortir » 1,8 million de ménages modestes de l’impôt sur le revenu. Son financement, qui doit se faire via une lutte contre les fraudes, reste incertain. De même que pour la nouvelle mesure annoncée, la suppression d’une tranche du barème.
En 2014, pour la deuxième fois depuis 1996, on comptera moins de 50 % de ménages acquittant effectivement un impôt sur le revenu.
Comme à chaque fois, ou presque, ces nouvelles mesures sont des « trous » pratiqués dans la fiscalité, qui visent à faire sortir des catégories de l’impôt, ou à ajouter des exceptions. Le montant des dépenses fiscales, autrement appelées « niches fiscales », n’a d’ailleurs pas diminué depuis 2012, au contraire : il atteint 80 milliards d’euros en comptant le CICE.
Bref, une fiscalité qui, « à force d’être mitée et minée », devient opaque. Précisément ce que dénonçait voilà quatre ans François Hollande.
ficit public (exprimé en pourcentage du PIB) est due à la hausse des prélèvements obligatoires.
source : Le Monde
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